Lucien Clergue
Lucien Clergue, nĂ© le 14 aoĂ»t 1934 Ă Arles et mort le 15 novembre 2014 Ă NĂ®mes, est un photographe français. Il est le premier photographe Ă ĂŞtre Ă©lu membre de l’AcadĂ©mie des beaux-arts de l’Institut de France. Il en fut le prĂ©sident pour l’annĂ©e 2013… Lire la suite ->https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucien_Clergue
Lucien Clergue, par Marion Cocquet
Rencontres d’Arles : Lucien Clergue, en clair et en obscur
Le festival de la photographie offre à son cofondateur une rétrospective admirable (et non exhaustive) de ses quelque 60 ans de carrière.
Il y a du monde chez Lucien Clergue. Des femmes sublimes (quoique sans tĂŞte), des gitans, des enfants, des flamants roses, des toreros et des taureaux, des maĂ®tres de la peinture et des princes de la poĂ©sie – tout cela qui dans ses images danse, dort, triomphe, mord la poussière, fait dans le sable des dessins abstraits, joue ici et meurt plus loin. La « Parade » que François HĂ©bel voulait pour ses dernières Rencontres d’Arles en qualitĂ© de directeur ne pouvait s’imaginer sans celle du camarade « Lucien », fondateur du festival de photographie : Clergue, 80 ans aujourd’hui et un appĂ©tit des gens et des choses semble-t-il non entamĂ©, cabotin, curieux, sensible, angoissĂ©, gourmand. « Pour cet anniversaire, explique François HĂ©bel dans le texte qui accompagne l’exposition, nous avons voulu mettre un peu d’ordre, ramener la lecture de sa photographie Ă l’essentiel. »
La tĂŞte et le poil
Le voyage se fait avec la voix de Lucien Clergue, qui raconte ses images Ă mesure. Il commence dans l’Arles d’après la LibĂ©ration, avec une mère qui dit Ă son garçon, mis Ă l’abri pendant les bombardements, qu’il n’a dĂ©sormais plus de maison. Cette femme, raconte Lucien Clergue, avait eu un enfant contre l’avis des mĂ©decins, et voulu qu’il soit artiste. Violoniste, plus exactement. Petit, Lucien – car c’est de lui qu’il s’agit – massacre les sonates de Bach et rĂŞve devant le dĂ©colletĂ© de sa professeur de musique. Les annĂ©es passent, sa mère est souffrante, il la panse, il la lave, il la soigne, elle meurt alors qu’il n’a que 18 ans. DĂ©jĂ , il fait des photographies : les ruines de l’Arles de l’après-guerre. Puis il y fait poser un groupe d’enfants aux yeux profonds et tristes : l’Arlequin, le trapĂ©ziste, ou cette petite danseuse en tutu fanĂ© qui « se cassait toujours quelque chose, une jambe ou une cheville, quand elle se mettait Ă danser ».
Le corps douloureux de sa mère, dit très simplement le photographe, est peut-ĂŞtre ce qui le pousse alors Ă photographier ceux, triomphants, superbes, de jeunes femmes sur le sable et dans l’eau. Lucien Clergue commence en 1956 Ă faire des nus ; il ne cessera pas, et se souvient aujourd’hui de chacun des modèles qui l’ont accompagnĂ©. Comme Denise, « la rĂ©vĂ©lation absolue », qui pose pour ce qui sera son premier livre. « La censure Ă©tait omniprĂ©sente. Mais il y a une jurisprudence du tribunal de Bordeaux qui dit que lĂ oĂą il y a la tĂŞte, il ne faut pas le poil, lĂ oĂą il y a le poil, il ne faut pas la tĂŞte. » Des femmes de Lucien Clergue ne figure que le corps : il est sauvĂ©. Il y a encore Christine, chez qui il retrouve les parfaites proportions que, gamin, il mesurait avec son mouchoir sur les statues antiques de l’Ă©glise Sainte-Anne d’Arles. Il y a aussi, aux États-Unis oĂą il a travaillĂ©, Wally, Vikki et Sarah, qui posait tous les dimanches matin pour l’inspecteur Colombo, photographe amateur en dehors des plateaux de tournage. Et encore Liz, qui rĂŞvait d’apparaĂ®tre dans Playboy.…
Picasso applaudit
Un jour de feria, sur la place du Forum, Clergue montre Ă Picasso ses images de Denise dans les vagues. Il a abordĂ© pour la première fois le peintre trois ans plus tĂ´t au sortir des arènes, lui a montrĂ© son travail. Le maĂ®tre l’a encouragĂ©. Ce jour-lĂ , il va plus loin : il l’applaudit. « Il a fait venir tout le monde : Venez voir, venez voir ce qu’a fait Lucien. » Grâce Ă Picasso et Ă Jean Cocteau, que le peintre lui a permis de rencontrer, l’Ă©diteur Seghers choisit les images de Clergue pour accompagner la rĂ©Ă©dition des Corps mĂ©morables de Paul Éluard. Le photographe n’a que 23 ans. Il fera aussi le portrait de ces maĂ®tres qui l’ont reconnu, aimĂ©, aidĂ© Ă vivre de son mĂ©tier. Picasso au bain, Cocteau en maĂ®tre des Ă©lĂ©gances, Saint-John Perse Ă contre-jour, dont il est tombĂ© amoureux en lisant Amers.
Dans la suite du voyage, il y a les gitans du quartier de la Roquette et des Saintes-Maries-de-la-Mer. Parmi eux, Manitas de Plata, guitariste de gĂ©nie, que Clergue a dĂ©couvert et dont il devient en quelque sorte le manager, après l’avoir photographiĂ©. Il y a des toreros et des taureaux Ă l’agonie sublime. L’abstrait « langage du sable », prĂ©sentĂ© pour sa thèse. La dĂ©couverte du PolaroĂŻd, l’usage tardif de la couleur. Et puis le festival, montĂ© tant bien que mal. C’est par hasard, en se prĂ©cipitant au Moma de New York pour voir Guernica et en dĂ©couvrant alors que, pour accĂ©der Ă la toile, il doit traverser les salles consacrĂ©es Ă la photographie, que Lucien Clergue prend conscience de l’importance que celle-ci peut avoir dans l’art. Avec Jean-Maurice Rouquette, conservateur du musĂ©e RĂ©attu, il entreprend de lui en donner une Ă Arles. Ensemble, ils crĂ©ent les Rencontres, en 1970. « Rencontres » : un joli nom de festival, et qui va bien Ă ce fondateur-lĂ .