La recherche de beauté n’est qu’un des possibles objectifs de l’art.
Il suffit, pour s’en convaincre, de constater que les beaux-arts ne caractérisent plus depuis longtemps l’ensemble de la production artistique. Certaines œuvres sont produites pour déranger, provoquer et conduire à l’aversion plutôt qu’à l’admiration. Nietzsche ne disait-il pas que c’est par la laideur que l’art est profond ? (Crépuscule des idoles).
Il arrive d’ailleurs que la confusion s’installe entre la laideur du sujet, et celle supposée de la création artistique qui le représente.
Kant expliquait qu’une œuvre d’art n’est pas la représentation d’une chose belle, mais la belle représentation d’une chose. Les travaux de Lucian Freud (1) par exemple, à travers une impudeur d’une grande violence, donnent à voir des aspects déstabilisants de l’existence humaine, sa fragilité, sa solitude… Les peintures et les gravures de Zoran Music (2) qui témoignent de l’horreur de la seconde guerre mondiale sont également autant de sujets laids décrits dans des œuvres d’une immense puissance. C’est pourquoi la représentation d’une chose laide peut être d’une beauté inouïe.
La beauté est le plus souvent présente dans l’art mais elle ne suffit pas à le définir.
La nature est belle, plus que toute production humaine, mais seul l’homme est artiste. André Comte-Sponville nous explique que c’est précisément l’humanité, en tant qu’esprit, qui permet de s’interroger sur le monde et sur soi, de rechercher une vérité ou un sens. Il ne s’agit donc pas de se contenter d’imiter le beau, mais d’apporter du nouveau, de l’émotion, des interrogations et c’est ce que nous rappelle la photographie : l’imitation est souvent réussie mais peu de clichés sont des œuvres d’art. L’artiste ne copie pas, il créé.
La finalité de l’art réside dans le plaisir que l’on éprouve à le côtoyer.
La beauté, le plus souvent, y contribue et le génie créatif des artistes fait toujours la différence. Sans imagination, sans singularité, il n’est plus question d’art. « La seule règle est de plaire » disait Molière suggérant que les créations qui plaisent au plus grand nombre seraient d’autant plus admirables, ce qui est bien sûr discutable car occultant le niveau d’exigence du public qui regarde, écoute, lit, son goût donc, qui est selon Kant sa faculté de juger le beau.
Plus qu’une prouesse technique, ce qu’il est très souvent, l’art est d’abord expression, et si la nature incarne le chef d’œuvre absolu, l’art en appelle avant tout à l’humanité de chacun.
Luc Ferry parle de l’art comme humanisme esthétique, rejoignant Hegel qui donnait la devise de l’art : rien de ce qui est humain ne m’est étranger.
Marc T.
(1) https://monoeil.blog/lucian-freud/
(2) https://monoeil.blog/zoran-music/
Illustration : Les grandes baigneuses (1906) de Paul Cézanne https://monoeil.blog/paul-cezanne/