30 décembre
Émotion planétaire à la mort de Pelé.
Confirmation supplémentaire, s’il en était besoin, de la puissance du foot dans l’imaginaire des peuples. Même si son talent est véritablement exceptionnel, une telle dévotion pour un sportif a quelque chose de surnaturel.
Il m’arrive d’être envieux de ces gens qui s’abandonnent à une telle ferveur, qui ne lui opposent aucune résistance rationnelle et plongent dans un bonheur collectif qui semble inouï. Les bienheureux…
19 décembre
Images hallucinantes de Buenos Aires. Des millions de personnes ont fait la fête dans les rues, toute la journée et la nuit, pour célébrer la victoire de l’Argentine. Le foot rend ce peuple formidablement heureux, lui qui subit une inflation 10 fois supérieure à la nôtre. Attitude irrationnelle, quasiment mystique… J’ai déjà parlé d’opium du peuple en évoquant le foot. Hier, les argentins ont reçu une dose massive d’anxiolytique.
Pendant ce temps, l’Ukraine continue de recevoir un déluge de bombes russes.
16 décembre
Iran : la République islamique a pendu deux hommes de 23 ans, les 8 et 12 décembre, pour «inimitié à l’égard de Dieu»…
8 décembre
Pas très sérieux de faire 5 heures de route compte tenu de mon état de fatigue malgré une apparente amélioration. La réunion avec l’hôpital psychiatrique pour envisager une sortie progressive de mon frère se fait donc par téléphone. On avance, même si je reste pessimiste quant aux chances de succès…
6 décembre
Rendez-vous cardiologue. Elle est sympathique et pédagogue. Électrocardiogramme, échographie, tout va bien excepté une grosse chute de tension au passage des positions couché à debout. Adaptation du traitement, à suivre. Sorti avec un léger mieux relatif à la sensation de vieillissement qui m’occupe depuis quelque temps.
Ai ensuite rejoint quelques amis au restaurant pour prendre un café. Assomé par des propos inattendus, ces gens se déclarant désormais antivax et refusant toute nouvelle injection, m’expliquent sans rire que les médecins sont corrompus par les laboratoires pharmaceutiques etc, etc… Il aurait fallu ensuite parler foot. J’ai dû déguerpir après 10 minutes, épuisé, et triste.
1er décembre
Solitudes connectées, vies passées à caresser une vitre, les réseaux sociaux vus par Alain Damasio dans la Grande Librairie hier soir. Rien à ajouter…
29 novembre
J’ai, un peu comme l’a écrit Bobin, une grande puissance de solitude.
Mais il parle du manque comme d’un bien précieux, bien que j’ai probablement perdu. La sensation de manque m’a quitté, manque matériel et affectif dont la perte conduit à une forme de repli intérieur, d’enfermement, même.
26 novembre
2 malaises en 3 jours de grande fatigue et des analyses de sang aujourd’hui qui sont bonnes. Diagnostic difficile, donc. Pas réellement peur, mais quelques questions…
23 novembre
Je lis aujourd’hui que 12,5 millions de téléspectateurs ont regardé le premier match de l’équipe de France à la coupe du monde de foot. Il semblerait que partout les audiences sont excellentes.
C’est désespérant. Les qatari vont donc gagner leur pari puisqu’ils bénéficient d’une incroyable indulgence de la quasi-totalité de la communauté internationale.
Pour du foot, on s’assoit sur la corruption, l’esclavagisme, le scandale écologique, l’obligation de respecter des lois imposées par un islam rigoriste et plus généralement sur les droits de l’homme. On accepte tout. Ce sport gangréné par l’argent s’est fait le complice de dirigeants dictateurs religieux. C’est méprisable.
1er novembre
Ça prête à sourire, mais en octobre, je suis passé de 460 à 439 « amis Facebook ».
C’est sans doute normal car je m’en tiens rigoureusement à la citation de Jules Petit-Senn placée en exergue de mon profil personnel : « Le plaisir que l’on éprouve à parler de soi est rarement partagé ».
Je ne parviens pas à me couler dans ce moule qui consiste à parler de sa vie de tous les jours (avec qui je mange, je bois ou plus si affinités, je suis au stade, au boulot, à la plage, au cinéma, au concert, j’aime mes enfants etc… bref, que des trucs absolument exceptionnels supposés passionner cette foule de malheureux qui n’ont pas ma chance), ou à publier des blagues plus ou moins nulles en sachant que plus c’est con et plus ça marche en terme d’interaction.
Je me contente donc de partager les posts des pages de mes blogs, donc des images d’art pour l’un, ou la vision plutôt pessimiste de l’évolution du monde telle que je l’évoque dans La cabane sur le chien.
Cela ne me vaut pas forcément du mépris, mais de l’éloignement, c’est sûr. Pour tous ces gens qui cultivent avec ostentation leur bonheur, réel ou supposé, je suis le salaud qui porte atteinte à leur optimisme, surtout si celui-ci flirte avec la béatitude. À parler des désastres qui se profilent ou au moins en refusant de les nier, je gâche peut-être leur volonté de se battre, d’avancer alors que ce n’est évidemment pas mon intention.
Enfin, on a tout à fait le droit de préférer une photo de son steak frites à celle d’un tableau de Hopper, du rap à un concerto de Mozart ou Bigard à Desproges.
La plupart des « amis Facebook » n’ayant d’ami que le nom, tout cela n’a pas d’importance et ne modifiera pas la nature de mes publications, quitte à les perdre tous.
31 octobre
J’ai la conviction qu’une rupture de quelques jours sans info et sans réseaux sociaux me serait salutaire. Affaire d’hygiène mentale. J’ai pourtant beaucoup de mal à m’y résoudre, sans doute parce que je reste convaincu que l’information est un des piliers de la conscience politique, de la possibilité de faire des choix réfléchis.
Pourtant l’actualité me désole de plus en plus. Et elle est si envahissante que je termine les journées véritablement oppressé par son volume, par la radicalité, les recours à la violence, les appels à ce que les donneurs de leçons de morale qualifient de désobéissance civile, par les populismes de tous bords, par tous ces élus qui croient combattre mais se ridiculisent… Dégoût trop largement dominant.
28 octobre
Le Tour de France fera donc étape au sommet du Puy-de-Dôme en 2023.
Allégresse dans le département, chez les élus, fanfaronnade habituelle de Laurent Wauquiez et 8 pages ce matin dans La Montagne.
Je n’ai jamais compris l’engouement populaire pour cette épreuve. Comment peut-on prendre du plaisir à voir passer un peloton en quelques secondes ou minutes, et se tasser des heures au bord de la route pour ça ?
On me parle de caravane, d’animation, de fête… Des millions de personnes s’installent donc le long du trajet pour autre chose que le sport ? Il me semble que les fans de course cycliste, que celles et ceux qui admirent ces forçats de la route ont plus intérêt à suivre l’épreuve à la télévision qui filme les coureurs du début à la fin de chaque étape, donne à voir les luttes auxquelles ils se livrent, les échappées, les souffrances, les défaillances, les abandons, les exploits, et accessoirement offre des prises de vues parfois magnifiques des paysages traversés.
Le succès populaire me paraît devoir davantage à l’instinct grégaire des humains qui voient dans cette compétition la possibilité de se regrouper et faire la fête bien plus que celle d’apprécier la performance sportive. Et c’est pour ça que je n’accroche pas…
14 octobre
Mon frère est alcoolique. En 2 ans, 3 cures de désintoxications, 3 échecs. En début d’année, j’ai dû signer une demande d’hospitalisation en psychiatrie sans consentement. Il est ressorti il y a 3 jours après plus de 7 mois d’enfermement et j’ai rappelé l’hôpital hier soir pour le faire récupérer, de gré ou de force car c’est à nouveau une catastrophe. Le sentiment abominable que ça ne finira jamais. J’assume le rôle du méchant qui exerce la contrainte via les instances médicales et judiciaires, en mémoire de mes parents qui seraient dévastés d’assister à une telle déchéance. Terrible crève-coeur. Des jours et des nuits perturbés…
10 octobre
Vu passer aujourd’hui cette citation d’Émil Cioran : Je pense à mes erreurs passées et je ne peux pas les regretter. Ce serait piétiner ma jeunesse, ce que je ne veux à aucun prix.
Il avait bien de la chance…
23 août
Dominique a décidé d’arrêter de travailler le 31 décembre, dans 4 mois, donc. D’accord, médecin généraliste à la campagne, 14 heures par jour, 6 jours par semaine, 49 semaines par an pendant 35 ans, ça use, et je comprends sa décision. Mais la suite me fait peur. Je n’aspire qu’à une tranquillité absolue, à de longs moments de solitude, à du silence, et je ne pense pas que cela puisse être son projet de jeune retraitée. Après ces années de sacerdoce, elle a très certainement des envies de sorties, de vie sociale, peut-être même de voyages. Je n’ai pas le droit de l’en empêcher, bien sûr, mais je me sens incapable d’aller dans ce sens. Flippant…
21 juin
Hier soir j’ai entendu tourner un hélicoptère de la protection civile.
Explication ce matin : dans les HLM du village, une gamine de 15 ans s’est jetée du 4ème étage car sa mère venait de lui refuser une sortie avec ses copains.
Elle est dans un état très grave, et je n’ose imaginer la détresse de la maman.
De la difficulté, parfois terrible, d’être parent…
22 mai
Lu aujourd’hui L’Atelier noir d’Annie Ernaux. Et cette phase incroyable qui exprime tellement bien cette conviction que je traîne depuis des années : « j’écris, mais je ne sais pas écrire ».
La principale différence entre Annie Ernaux et moi ? Elle sait écrire, elle, merveilleusement. Il y en a d’autres, très nettes, politiques, mais c’est une autre histoire…
18 mai
Sorti hier. Comme souvent, trop mangé, trop bu. Et comme toujours le lendemain, des regrets et le désir de coupure d’avec le monde.
19 avril
Comment penser ses dernières années que l’on espère valides et intellectuellement encore acceptables lorsque le futur ne se conçoit plus en termes matériels ?
6 mars
Aujourd’hui, sorte de date anniversaire de la fin de ma vie professionnelle, et comme cela arrive à intervalles réguliers, retour du boulet dont je ne parviens décidément pas à me débarrasser. Depuis six ans maintenant, cette douleur persistante d’avoir terminé ma carrière sur un immense fiasco, d’avoir tout perdu. Terrible gâchis, manque de clairvoyance, mauvaises décisions, un irréductible sentiment de culpabilité qui continue de me pourrir la vie. Difficile d’admettre que les déceptions et les échecs font partie du voyage.
Excepté mes deux enfants, je ne laisserai aucune trace de mon passage dans ce monde.
12 février
En matière de musique, j’aime Schubert, par dessus tout.
Dans mon modeste panthéon musical, l’andante du Concerto n°21 de Mozart est pourtant ce que je considère comme le sommet de la beauté, comme un véritable miracle.
La facilité, le génie de Mozart m’impressionnent, m’émeuvent très souvent mais Schubert, lui, me bouleverse. Sa musique s’adresse au cœur, pas à l’intellect et c’est sans doute pour cette raison que je suis aussi sensible au génie schubertien…
La musique de Schubert c’est la vie, un peu, et c’est la mort, beaucoup.
Quelques sourires, l’amitié, la tendresse, mais aussi et le plus souvent, la douleur de vivre, la solitude, le désespoir.
Schubert est mort à trente et un ans de la fièvre typhoïde, après avoir vu sa santé se dégrader en raison d’un traitement à base de mercure d’une syphilis contractée six ans plus tôt.
Une vie économiquement très difficile, la souffrance, des amours contrariés par les circonstances ou la maladie, mais une œuvre qui traduit la douleur sans ressentiment, sans colère. Aucune agressivité, pas même la moindre tentative de révolte, la musique de Schubert impressionne par sa douceur, et très souvent par son infinie tendresse. Elle console de la dureté de la vie et incite à l’acceptation de nos échecs. Beauté pure…