L’instantané, le sensationnel, mais aussi l’insignifiant ou le faux s’emparent des médias, des réseaux asociaux plusieurs fois par jour dans des bouffées plus ou moins délirantes qui ne durent guère que le temps d’atteindre le stimulus suivant.
Cette habitude prise de l’immédiateté fait que la conscience collective du « temps long », l’un des concepts préférés des politiques, se délite au fil des jours et il semble bien que le processus soit irréversible. Comment d’ailleurs cette forme de conscience ne disparaitrait-elle pas chez les jeunes générations quand le dérèglement climatique obstrue toute visibilité à vingt ou trente ans, quand des risques de guerre semblent tous les jours se préciser un peu plus ? Comment, sans boule de cristal, développer une idée claire de l’avenir à moyen terme alors que la culture, ce socle commun, fait l’objet d’attaques incessantes ?
Partout dans le monde, des millions d’êtres humains se font confisquer des libertés par des dictateurs ou des religieux, pendant que d’autres, de plus en plus nombreux, y renoncent volontairement ou par dépit, dans l’espoir naïf de gagner en sécurité physique ou économique, manipulés par des prédicateurs, extrémistes de tous bords sans scrupules.
Les démocraties reculent, inéluctablement.

L’immédiat pour refuge

Face à ces perspectives, c’est aujourd’hui qui compte. Peut-être demain…
Nous enchaînons les indignations (rarement des extases) à des vitesses empêchant tout entendement.
S’indigner est si facile, la nourriture fournie par nos divers écrans si copieuse, que même la nausée n’est plus de mise. Voyez comment s’oublient en quelques jours des catastrophes naturelles meurtrières, des infanticides odieux, des féminicides inexcusables, des coups d’Etat, des pandémies… Mesurez notre aptitude à effacer, à enchaîner les évènements tragiques à une vitesse folle sans conséquence émotionnelle apparente !
Face au flux de l’information qui nous ensevelit quotidiennement, à la croissance exponentielle des faux dont la dangerosité ne peut que s’accroitre via l’intelligence artificielle, à la manipulation de notre patrimoine culturel, à la violence qui progresse au rythme de la température, à l’érosion des libertés etc… comment ne pas se réfugier dans l’immédiat puisque demain est imprévisible ?

Version un peu pathétique du « carpe diem » des temps modernes. Cueille le jour et ne crois pas au lendemain…