Interrogé lors une émission de télévision en 1969 à propos du conflit au Moyen Orient, Raymond Aron eut cette réponse : « Je ne vois pas de paix au Moyen-Orient, parce qu’il s’agit dans ce cas d’un conflit à mort, puisque l’enjeu, c’est la possession d’un sol, et d’un sol qui est sacré à la fois pour les juifs ou les Israéliens et pour les musulmans ou les Arabes ou les Palestiniens, comme vous voudrez. Donc dans ce cas précis, je ne vois pas la paix.«
Plus d’un demi-siècle plus tard, son diagnostic ne s’est pas seulement vérifié, mais le conflit a, hélas, atteint un niveau de violence inédit et présente des risques d’embrasement très préoccupants.
Bien sûr, le gouvernement israélien, infesté par l’extrême droite et sous influence de religieux intégristes, avec notamment l’accélération de l’implantation de colonies au mépris du droit international, pratique une politique d’essence guerrière, donc condamnable.
En face, le Hamas n’est rien d’autre qu’un mouvement terroriste. Ce qualificatif est suffisamment clair pour qu’il ne soit pas utile de développer. Des otages ne sont pas des prisonniers, les civils ciblés et assassinés ne sont pas équivalents à des victimes collatérales d’actions militaires de défense. Les mots et les intentions ont un sens.
Mais par-dessus tout, dans la réponse de Raymond Aron, le mot le plus important est celui de « sacré« . Des juifs et des musulmans se battent pour leur territoire, et notamment pour la souveraineté sur Jérusalem.
Partout et de tous temps, dans des pays gouvernés par des gens guidés par des croyances plutôt que par la raison, agissant au nom d’un Dieu, des conflits éclatent, parfois se pérennisent, avec des conséquences toujours dramatiques pour les populations.
Voici pour mémoire et de manière non exhaustive, quelques-unes des guerres historiques où les religions ont joué un rôle primordial :
- Les Croisades (XIe-XIIIe siècles) : Une série de guerres entreprises par les chrétiens européens pour reprendre le contrôle des lieux saints en Terre sainte, occupés par les musulmans.
- Les guerres de religion en Europe (XVIe-XVIIe siècles) : Des conflits entre catholiques et protestants, principalement en France, en Allemagne et aux Pays-Bas.
- La guerre indo-pakistanaise de 1947 : Le conflit entre l’Inde et le Pakistan peu après leur indépendance, avec des tensions religieuses entre hindous et musulmans.
- La guerre civile au Liban (1975-1990) : Les tensions entre groupes religieux, en particulier les chrétiens, les musulmans sunnites et chiites, ont joué un rôle majeur dans ce conflit.
- Le conflit en Irlande du Nord (1969-1998) : Les tensions religieuses entre les catholiques nationalistes et les protestants loyalistes ont contribué au conflit.
- Guerre en Bosnie (1992-1995) : Ce conflit était en grande partie lié aux tensions ethniques et religieuses entre les Bosniaques musulmans, les Serbes orthodoxes et les Croates catholiques.
Le conflit israélo-palestinien semble aujourd’hui sans solution. Netanyahou dit, sans aucune chance d’y parvenir, vouloir éliminer définitivement le Hamas, cette organisation terroriste qui, elle, veut éradiquer Israël et bien au-delà, son chef ayant déclaré, depuis le Qatar qui le protège que « la planète entière sera sous notre loi ; il n’y aura plus de juifs ni de traîtres chrétiens« . Comment espérer la paix dans ces conditions ?
Dieu aurait créé le monde et l’homme, réalisations on ne peut plus grandioses, puis il se serait abaissé à lui dicter ce qu’il doit boire et manger, quand et comment, la manière de se vêtir (ou plutôt comment la femme doit s’habiller), il aurait inventé des hiérarchies sociales mais il serait incapable de maîtriser les pulsions guerrières de ses créatures…
Dieu est un concept humain qui semble-t-il, n’a présenté au cours des siècles qu’un seul élément positif pour l’humanité : aider les croyants animés par une foi sincère à affronter la mort donc, d’une certaine manière à la nier.
Dieu est une chimère qui tue.
Il serait vain d’espérer que tous les êtres humains se débarrassent un jour de cette idée irrationnelle qu’est Dieu. Au contraire, si les pratiques pacifistes des religions semblent décroitre, les intégrismes s’étendent de manière vertigineuse. L’islamisme est actuellement le danger le plus visible mais toutes les religions sont touchées par des formes de radicalismes qui légitiment la violence. Il n’y aurait ni intégrisme catholique ni fondamentalisme protestant sans religion chrétienne, pas d’islamisme sans islam et les juifs orthodoxes voire ultra-orthodoxes existent depuis que le judaïsme existe…
Cabu, auteur de l’illustration de ce billet, a été assassiné parce qu’il appartenait à la rédaction de Charlie Hebdo, ce groupe précieux qui a conservé malgré tout le courage de se moquer ouvertement des religions.
Dieu n’existe pas, et nous ne sommes pas suffisamment nombreux à le penser pour espérer vivre en paix un jour.
MT