De Jean-Louis Gaillemain pour Connaissance des Arts –
Retour sur la fulgurante existence d’Egon Schiele, mort le 31 octobre 1918 à l’âge de 28 ans. Après avoir claqué la porte de l’Académie, le jeune homme exhibe crûment les souffrances profondes de l’être dans ses nus, portraits et autoportraits. Soutenu par Gustav Klimt et plusieurs mécènes, il est loin d’être l’artiste maudit que la postérité s’est longtemps plu à présenter.
Né en 1890 à Tulln, où son père, héritier d’une famille d’ingénieurs, était chef de gare, rien ne prédestinait Egon Schiele à une carrière artistique. Ses premiers croquis de wagons de chemin de fer laissent espérer au père qu’il deviendra à son tour ingénieur, mais la passion du dessin semble l’emporter sur l’assiduité scolaire. Le père, en colère, brûle théâtralement un carnet de dessins dans le poêle familial. L’ambiance est lourde, le père, sans doute syphilitique, a des accès de fureur, la mère est froide et indifférente. Seule sa plus jeune sœur Gertrude, jolie et mutine, semble le comprendre. Au lycée de Klosterneuburg, son professeur de dessin encourage ses promenades dans la campagne d’où il revient avec de lumineuses petites gouaches sur carton. Le père meurt en 1905. Les escapades se multiplient. Lors d’un voyage à Trieste avec Gertrude, celle-ci pose nue pour lui, des séances soigneusement cachées à la mère. Absentéiste, mauvais élève, Egon exige de faire des études artistiques. Sa mère tente de le faire entrer à la Kunstgewerbe Schule (l’École des arts décoratifs) pour qu’au moins, « ça lui serve à quelque chose », mais les professeurs qui le reçoivent, éblouis par ses talents de dessinateur, lui conseillent plutôt l’Académie des beaux-arts où il est accepté à l’âge de seize ans. L’enseignement, basé sur l’étude des moulages en plâtre de statues classiques, puis sur celle d’après modèle, irrite Schiele. Il n’a qu’une hâte : briser cette harmonie factice pour laisser s’échapper ce qu’il sent sourdre en lui.
L’entrée dans la « cage aux fauves »
En 1908, par un heureux concours de circonstances, Gustav Klimt et ses amis ayant quitté la Sécession organisent une Kunstschau (exposition d’art), où cent soixante-quinze artistes, peintres, sculpteurs ou graphistes sont invités à exposer dans plus de cinquante salles et pavillons, certains conçus par Josef Hoffmann. Klimt y trône avec seize de ses dernières œuvres mises en scène par Koloman Moser autour du célèbre Baiser. Le tout baignant dans l’esthétique raffinée et discrète de la Wiener Werkstätte (l’Atelier viennois). Seule note discordante, le jeune Oskar Kokoschka, âgé de vingt-deux ans, introduit son monde onirique de pulsions érotiques et violentes : « Rien ne manque à ce Barnum de l’art, pas même la cage aux fauves », commente un critique. Ce Barnum révèle Schiele à lui-même. Il claque la porte de l’Académie…
La suite (passionnante) de l’article -> https://www.connaissancedesarts.com/artistes/biographies/egon-schiele-fragments-dune-vie-11128247/
Et bien sûr -> https://monoeil.blog/egon-schiele/ où plus de 160 chefs-d’oeuvre de Schiele sont à voir ou revoir…