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Le salaire de Tavares, le marché contre la morale

Le patron de Stellantis a vu sa rémunération atteindre la somme rondelette de 36 millions d’euros en 2023, et voit donc, en guise de prime exceptionnelle, le scandale gonfler au sujet de ce montant pharaonique. 

Pour mémoire, Tavares, en qualité de dirigeant de PSA (Peugeot-Citroën) a bénéficié d’une rémunération de 2,75 M€ en 2014 à 7,6 M€ en 2019. Il a été choisi pour diriger Stellantis après le fusion de PSA et Fiat-Chrysler, mastodonte de l’industrie automobile. Depuis, sa rémunération est passée de 11,7 M€ en 2020 à 36 M€ en 2023. Celle-ci est fixe pour moins de la moitié, et comporte un intéressement lié aux résultats approuvé par les actionnaires. Si les objectifs sont largement dépassés, les primes peuvent en effet atteindre contractuellement des montants élevés, ce qui est le cas, probablement dans des proportions mal évaluées. Le cours de bourse de Stellantis a augmenté de plus de 73% entre 2022 et 2023. Les actionnaires se félicitent donc d’avoir nommé Tavares là où il est, et c’est sans doute à cette croissance exceptionnelle qu’est dûe une part importante des primes. 

Pour ce qui est de la récompense de son personnel, sur trois ans, Stellantis aura alloué 6 milliards d’euros à ce partage aux plus de 240.000 personnes dans le monde. Le montant des primes en France, combinant intéressement et participation, varie en 2023 entre 4100 euros au minimum et 6000 euros au maximum.

Qui crie au scandale, et pourquoi ?

Quelques syndicalistes, bien sûr, qui préféreraient des augmentations de salaires pérennes plutôt que des primes. Ils oublient que si la performance de l’entreprise devait reculer, l’impossibilité de diminuer les salaires obligerait à des réductions d’effectif. Ces primes, plutôt conséquentes, permettent de tenir compte positivement des résultats de l’entreprise année après année.

L’émotion est grande, semble-t-il, du côté d’une partie du personnel politique, plutôt de gauche, mais pas seulement. Certains voudraient même légiférer, en limitant la rémunération des dirigeants au moyen d’un coefficient multiplicateur, à x fois le salaire le plus faible de l’entreprise.

L’État a déjà pris ses dispositions dans les grandes entreprises publiques (les patrons d’EDF ou de la SNCF gagnent 450.000 €/an maximum), mais intervenir dans la politique salariale d’une entreprise privée est une très mauvaise idée. Si le contrat d’un dirigeant s’avère, après coup trop généreux, c’est aux actionnaires d’en revoir les modalités. Que la méthode calcul de l’intéressement de Tavares aboutisse à un tel résultat laisse à penser qu’elle est à revoir, en effet. Mais c’est un problème interne et les politiques seraient mieux inspirés d’utiliser leur énergie à d’autres sujets. Légiférer serait d’ailleurs un excellent  moyen de faire fuir à l’étranger quelques rares talents, et rappelons aux étourdis que le siège social de Stellantis est situé… aux Pays-Bas.

Dans une interview récente, Tavares disait au sujet de sa rémunération, qu’il appartenait à un marché, celui des dirigeants de l’industrie automobile, comme un pilote de Formule 1 à celui des pilotes, ou comme un footballeur au sein de son sport, chacun proposant ses qualités face à une demande très réduite en nombre.

Évidemment, ces rémunérations sont, d’une certaine façon, choquantes si on les compare aux conditions de vie précaires de milliers de personnes, mais comparaison n’est pas forcément raison. Si tous ces gens qui se disent scandalisés ces rémunérations sont animés par des considérations d’ordre moral, et il semble bien que ce soit le cas, alors peut-on être choqué par les 36 millions d’euros de Tavares, et approuver sans réserve les 100 millions de Kylian M’Bappé ? 

Le marché valide ces montants extravagants, la morale les conteste. Mais force est de constater que la morale est plus sévère avec l’industrie qu’avec le football.

MT

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